EXTRAIRE – PRODUIRE – CONSOMMER – JETER
Voilà les quatre mots-clés qui résument l’économie linéaire, ce modèle économique hérité de l’ère industrielle qui nous gouverne depuis des siècles. Un modèle qui s’essouffle aujourd’hui, confronté à une réalité simple mais implacable : les ressources naturelles s’épuisent, et les déchets s’entassent à un rythme effréné. Pour contrer cette course vers l’épuisement, un nouveau modèle est né dans les années 70, initié par l’économiste britannique Kenneth Boulding : l’économie circulaire. Dans un monde aux ressources limitées, on ne peut plus se permettre de produire pour jeter ; il faut produire pour réutiliser.
Aujourd’hui, l’économie circulaire prend tout son sens, et les États – dont la France avec la loi AGEC – adoptent des mesures pour la promouvoir. En parallèle, de nombreuses initiatives se multiplient pour prolonger la durée de vie des produits et réduire notre impact environnemental. Parmi elles, une mesure se distingue particulièrement : la TVA circulaire. Ce dispositif fiscal vise à abaisser le taux de TVA pour les secteurs de la réparation et du reconditionnement, offrant ainsi une alternative économique et écologique à l’achat de produits neufs. Une démarche essentielle pour donner une seconde vie aux objets du quotidien et rendre la réparation plus accessible.
La TVA Circulaire
Une TVA à 5.5%
La TVA circulaire est une mesure pensée pour encourager l’économie circulaire en réduisant la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) dans certains secteurs, notamment dans le domaine de la réparation et du reconditionnement. Concrètement il s’agit d’appliquer un taux de TVA réduit à 5.5% (au lieu de 20% actuellement) pour les services de réparation des biens comme les appareils ménagers, les article de cuir, les vêtements et le linge de maison et les cycles. Cette mesure vise à rendre la réparation plus abordable pour les consommateurs, permettant de prolonger la durée de vie de leurs objets et de limiter l’achats du neuf, plus couteux en ressources naturelles.
Encourager l’économie circulaire
La TVA circulaire s’inscrit dans une dynamique plus large de soutien à l’économie circulaire. Depuis plusieurs années les initiatives se multiplie afin de promouvoir ce modèle économique, tant en France que dans l’Union Européenne. En France, c’est véritablement la loi AGEC (Loi Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire), adoptée en 2020, qui a marqué une étape importante. Elle à instaurée des mesures pour réduire les déchets, promouvoir le réemploi, et sensibiliser les citoyens à un mode de consommation durable.
Renforcer le secteur de la réparation et du reconditionnement
A l’échelle européenne, la commission à annoncé son ambition de faire des produits durable une norme, notamment avec des initiatives comme le plan d’action pour l’économie circulaire. La TVA circulaire est donc une mesure de renforcement essentielle pour le secteur de la réparation. Elle renforce l’attractivité pour les consommateurs de se tourner vers la réparation et le reconditionnement. En France, récemment (octobre 2024), un amendement visant à instaurer une TVA circulaire sur la réparation a été adopté en commission des finances de l’Assemblée nationale. Cette mesure doit encore être validée lors des prochaines étapes législatives pour entrer en vigueur.
Objectif et avantages d’une TVA Circulaire
La mesure vise avant tout à soutenir le domaine de la réparation et du reconditionnement afin de réduire notre empreinte écologique mais ses objectifs vont plus loin, et répondent également aux défis structurels du secteur de la réparation :
Réduction des coût pour le conommateur
Réduire le coût de la réparation du consommateur, en abaissant la TVA à 5.5% la réparation est plus abordable pour le consommateur, leurs permettant de faire le choix de l’allongement de la durée de vie plutôt que le remplacement à neuf. Dans un contexte de crise à la fois économique et écologique, la réparation devient un choix de plus en plus pertinent pour une consommation durable et responsable.
Soutien aux acteurs de la réparation et du reconditionnement
Soutenir les acteurs de la réparation et du reconditionnement : la TVA circulaire offre un véritable soutien aux petites entreprises de réparation, souvent fragilisées économiquement. Le secteur fait face à des difficultés tel que le vieillissement du personnel et le manque de relèvent ce qui compromet la pérennité du secteur. Avec une TVA circulaire, le secteur attire de nouveau clients, et par effet ricochet devient plus attractif.
Encourager la durabilité
Encourager l’économies circulaire et la consommation durable : En rendant la réparation financièrement plus accessible, la TVA circulaire incite les consommateurs à adopter des comportements de consommation durables. Ce modèle économique permettrait ainsi de réduire les déchets tout en allégeant la charge écologique liée à la fabrication de nouveaux produits. De plus, pour les artisans et petites structures, cette mesure pourrait représenter un coup de pouce décisif face aux grandes entreprises de distribution, renforçant ainsi l’économie locale et non délocalisable.
La TVA circulaire répond à des enjeux écologiques et sociaux, elle favorise la durabilité des biens de consommation, renforce les acteurs locaux de la réparation et redonne au consommateurs la possibilité de faire des choix plus responsables pour leurs portefeuille et la planète.
Défis et limites potentielles de la TVA Circulaire
La TVA circulaire présente de nombreux avantages, son adoption et son application pourraient néanmoins se heurter à plusieurs défis :
Le cadre Légal et Administratif
La complexité du cadre légal et administratif : Sa mise en place implique des ajustements dans ses domaines, notamment en raison des règles européenne encadrant strictement les taux de TVA. Elle pourrait également représenter une lourdeur administrative supplémentaires pour les petites structures.
Un certain flou
Le manque de définition pour certains secteurs : le rapport initial présentant la TVA circulaire recommande un élargissement de la TVA réduite aux activités de reconditionnement et d’autres service de l’économie circulaire mais le manque de définition sur les termes précis comme « reconditionnement » ou encore « remanufacturing » peut compliquer l’application de la mesure. Une clarification légale est nécessaire pour garantir une adoption cohérente et éviter les ambiguïtés fiscales.
Un impact fiscal à prendre en compte
L’impact fiscal sur le court terme : La baisse de la TVA signifie, dans l’immédiat, une diminution des recettes fiscales pour l’État. Bien que cette réduction puisse être compensée par des gains à long terme (emploi local, réduction des coûts environnementaux), le coût initial pourrait freiner sa mise en place rapide et nécessiter des mesures compensatoires.
La non repercussion pour le consommateur
Le risque de non-répercussion : Un autre défi réside dans la possibilité que certains professionnels profitent de la TVA réduite sans pour autant en faire bénéficier directement leurs clients. Pour garantir que la TVA réduite bénéficie réellement aux consommateurs, des mécanismes de suivi ou des incitations pourraient être nécessaires pour encourager une répercussion sur les prix.
La TVA circulaire est une mesure prometteuse mais qui fait face à de nombreux défis. Sa réussite dépendra d’un encadrement rigoureux et de mesures d’accompagnement adaptées.
Et le numérique dans tout ça ?
Limiter le coût écologique
Il n’est plus a prouver que l’impact environnemental du numérique est considérable, et la demande croissante en équipements connectés ne fera qu’augmenter cette empreinte dans les années à venir. En tant que professionnelle du reconditionnement et de la réparation informatique, je constate chaque jour les possibilités et l’efficacité de notre secteur pour limiter le coût écologique du numérique. Je trouve regrettable qu’une telle mesure ne soit pas applicable à notre domaine dans l’immédiat. Le reconditionnement et la réparation sont des piliers de l’allongement de la durée de vie des produits numériques et offrent une alternative écologique, économique et sociale à l’achat de produits neuf.
Un soutien pour le secteur
L’extension de la TVA circulaire représenterait un soutien essentiel à notre secteur, elle rendrait nos services et nos produits plus abordables pour les consommateurs. Concrètement, elle permettrait de baisser les prix pour les consommateurs finaux, rendant le choix d’un ordinateur ou d’un smartphone reconditionné plus attractif. L’allégement de la facture permettrait en outre de rendre accessible le numérique à un plus large segment de la population, et accentuer la lutte contre la fracture numérique.
Réduire l’empreinte carbone du numérique
Par ailleurs, la TVA circulaire appliqué au domaine du numérique alignerait parfaitement les intentions écologiques de l’Etat avec les réalités économiques de notre époque. Le numérique, bien que source de progrès, est également l’un des secteurs les plus consommateurs de ressources et d’énergie. Réutiliser un produit plutôt que de le remplacer par un neuf réduit non seulement les émissions de CO₂ liées à la fabrication, mais contribue également à minimiser les déchets électroniques, qui représentent une problématique environnementale majeure. En permettant aux consommateurs de privilégier le reconditionnement, l’État contribuerait directement à la réduction de l’empreinte carbone et au ralentissement de l’épuisement des ressources naturelles.
Double taxe ?
On peut légitiment affirmer que l’Etat, d’un point de vue fiscal, a déjà perçue sa part de TVA lors de la première vente du produit neuf. Lorsqu’un produit est revendu en tant que reconditionné, il pourrait être argumenté que l’État a déjà capté une part substantielle des recettes fiscales liées à cet objet. Appliquer une TVA réduite pour le reconditionnement éviterait donc de taxer deux fois le même produit de manière excessive, en s’alignant sur une logique de justice fiscale et de soutien à l’économie circulaire. Cette mesure de TVA réduite serait un levier de croissance important pour les entreprises du secteur du reconditionnement, qui pourraient ainsi valoriser leur activité sans subir une surcharge fiscale.
Etendre la TVA circulaire au domaine du numérique permettrait non seulement de favoriser la réparation et le réemploi, mais offrirait également des retombées économiques et environnementales. Cette mesure renforcerait notre secteur en attirant une nouvelle clientèle, le rendant plus compétitif tout en diminuant l’empreinte écologique du numérique. Une application au secteur du numérique est une nécessité qui s’inscrit dans une logique de durabilité.
En conclusion
La TVA circulaire est plus qu’une mesure fiscale : c’est un levier de transformation pour notre économie et nos modes de consommation. En réduisant le coût de la réparation et du reconditionnement, elle rend ses options plus accessibles, elle stimule le commerce local et renforce les acteurs engagés dans l’économe circulaire. Pour le secteur du numérique, où l’impact environnemental est alarmant, son extension serait une opportunité majeure. Elle permettrait de rendre le numérique reconditionné compétitif, de limiter les déchets électroniques et de diminuer notre empreinte carbone, tout en offrant aux consommateurs des produits plus durables et abordables.
L’avenir de l’économie doit-être circuaire ! La TVA réduite est donc une étape essentielle pour accompagner ce changement. En soutenant la réparation et le reconditionnement, l’Etat envoie un signal fort en faveur de la durabilité et de la préservation de nos ressources. Pour les entreprises, les collectivités et les consommateurs, c’est l’opportunité de contribuer activement à cette transition, en optant pour des choix plus responsables et en soutenant une économie où le réemploi et la réduction des déchets deviennent la norme.
Pour aller plus loin :Rapport sur la mise en plae d’une TVA circulaire
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